Session Janvier 2008
Droit administratif
Cours de Mme Gonod
Sujet théorique : Les grandes lignes de l’évolution des juridiction administratives depuis la Révolution française.
Sujet pratique :
Après avoir lu les textes figurant ci-après, veuillez traiter, dans l’ordre, les points suivants :
1- Quelles sont les conditions d’introduction dans l’ordre interne des conventions internationales ? (3pts)
2- Quels sont les « actes du droit communautaire dérivé » auxquels il est fait référence dans l’arrêt ci après reproduit? (3pts) [j’ai souligné la phrase dans le texte]
3- Commentez les motifs de l’arrêt figurant en italiques et entre crochets […] (6pts)
4- Quelle est la fonction du vice-président du Conseil d’Etat ? (2pts)
5- En indiquant en particulier si le contrôle de constitutionnalité des lois promulguées vous paraît à la fois possible et utile, veuillez discuter la proposition formulée par le vice-président du Conseil d’Etat. (6pts)
Conseil d’Etat, 5 janvier 2005, Desprez et Baillard (extrait)
« (…) En ce qui concerne le contrôle exercé par le Conseil d’Etat statuant aux contentieux :
[Considérant que l’article 61 de la Constitution du 4 octobre 1958 a confié au Conseil constitutionnel le soin d’apprécier la conformité d’une loi a la Constitution ; que ce contrôle est susceptible de s’exercer après le vote de la loi et avant sa promulgation ; qu’il ressort des débats tant du Comité consultatif constitutionnel que du Conseil d’Etat lors de l’élaboration de la Constitution que les modalités ainsi adoptées excluent un contrôle de constitutionnalité de la loi au stade de son application.
Considérant cependant que pour la mise en œuvre du principe de supériorité des traités sur la loi énoncé a l’article 55 de la Constitution, il incombe au juge, pour la détermination du texte dont il doit faire application, de se conformer à la règle de conflit de normes édictées par cet article ;]
Considérant toutefois, que, contrairement à ce que soutient la requête (…), la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 et reprise dans un acte inter-institutionnel publié le 18 décembre 2000 est dépourvue, en l’état actuel du droit, de la force juridique qui s’attache à un traité une fois introduit dans l’ordre juridique interne et ne figure pas a nombre des actes du droit communautaire dérivé susceptible d’être invoqués devant les juridictions nationales ; (…) »
Intervention de M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, le 11 septembre 2007, devant le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vè République (extrait)
« […] Quant aux modalités du contrôle de constitutionnalité, celui-ci devrait être limité
au respect des règles de fond, à l’exclusion des règles de compétence et de procédure dont le
respect doit être assuré dans le seul cadre du contrôle a priori à l’initiative des autorités politiques ou des membres du Parlement. On écartera aussi le recours direct des citoyens: ce
recours, par construction abstrait, poserait inévitablement un problème de restriction drastique
de l’intérêt pour agir ou d’encombrement du rôle du Conseil constitutionnel. Il devrait an
outre être enfermé dans des limites temporelles étroites, comme c’est le cas dans les Etats qui
le pratiquent. Il ferait partiellement double emploi avec le contrôle a priori existant
aujourd’hui.
Il conviendrait donc de mettre en place un contrôle a posteriori de constitutionnalité
par la voie de l’exception, un contrôle concret, tout justiciable pouvant devant les juridictions
ordinaires soulever l’inconstitutionnalité d’une loi.
Faut-il pour autant reprendre le projet de 1990 et 1993 ? Je ne le pense pas. Les
auteurs de ce projet, rédigé en termes quasiment identiques à trois ans d’intervalle, ne
pouvaient anticiper l’engagement des juges administratifs et judiciaires, dans le cadre du
contrôle de conventionnalité, dans un véritable contrôle matériel de constitutionnalité les
conduisant à écarter les lois incompatibles avec nos engagements internationaux. Répliquer la
réforme de ces années-là, avec le double renvoi du juge saisi au Conseil d’Etat ou à la Cour de
cassation, puis, le cas échéant, au Conseil constitutionnel, reviendrait à maintenir le contrôle
de constitutionnalité à la périphérie ou aux marges du procès : par définition, le justiciable,
comme le juge, opteront toujours pour la voie de droit la plus efficace, c’est-à-dire celle du
contrôle de conventionnalité, plutôt que pour celle de l’exception d’inconstitutionnalité
conduisant à un sursis à statuer, afin de trancher, au terme d’un triple examen, la question
pendante.
Par conséquent, le refus du juge administratif ou judiciaire de trancher les conflits de
normes entre la loi et la Constitution ne paraît plus pouvoir être maintenu.
[…]
Faut-il pour autant qu’il soit entièrement levé ? Après réflexion, je ne le propose pas.
Le juge saisi d’une exception d’inconstitutionnalité devrait pouvoir l’écarter, si cette
exception ne commande pas l’issue du litige ou si elle est dépourvue de substance. Mais il ne
pourrait pas l’accueillir lui-même. En cas de doute sérieux, le juge saisi devrait procéder à un
renvoi au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation qui pourrait, selon le cas, soit rejeter
l’exception, soit l’accueillir, soit saisir le Conseil constitutionnel. Le renvoi d’une question préjudicielle au Conseil constitutionnel devrait être prononcé en particulier lorsque existe une
difficulté sérieuse de constitutionnalité ou pour prévenir un risque de divergence de
jurisprudence entre les ordres judiciaire et administratif.
Ainsi le Conseil constitutionnel continuerait-il d’assurer en dernier ressort, sans
être exposé au risque de l’encombrement, la régulation générale du contrôle de
constitutionnalité ».